vendredi 5 avril 2013

Facebook Home, un mal nécessaire ?

Aujourd'hui, Facebook vient d'annoncer le lancement du Facebook Phone – le HTC First. C'est loin d'être la plus grande information de la soirée… Facebook a surtout annoncé Facebook Home, une interface pour Android. Un potentiel danger pour Google.

FacebookGoogle

Retraçons le contexte actuel. Facebook s'est imposé comme un éditeur incontournable sur Google Play (Android) et l'App Store (iOS). Il se paye même le culot d'être premier dans les classements Google Play avec Facebook et Facebook Messenger. En tant que réseau social, Facebook a dépassé le milliard d'abonnés pour une valorisation supérieure aux cent milliards de dollars. Bref, Facebook fait partie avec Apple, Google et Amazon des Big Four d'Internet.

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Tout ne va pas si bien chez Facebook. Le géant a pris beaucoup de retard sur le mobile et l'entreprise a été obligée de débourser 1 milliard de dollars pour acquérir Instagram. Ils ont récemment abandonné le langage web mobile en redéveloppant nativement toutes leurs applications Android et iOS.

Facebook fait partie avec Apple, Google et Amazon des Big Four d'Internet

Sans parler de tout ce qui touche à la vie privée, à l'utilisation abusive des données personnelles… Mais le sujet n'est pas là. Au-delà de ses aspects qui ne nous intéressent pas dans cet article, Facebook n'a pas que de bonnes nouvelles. L'utilisation du réseau social chute dans de nombreux pays. En clair : le public commence à bouder Facebook. Les jeunes préfèrent utiliser des services de messageries instantanées comme Kik ou Whatsapp, ou encore d'échanger sur Twitter. Tandis que Facebook a déchanté avec ses éditeurs partenaires, comme Zynga dans lequel il ne croit plus vraiment… Une raison qui explique que Facebook ait décidé de développer ses propres jeux.

Les annonceurs commencent également à déchanter. Le réseau social a été obligé d'introduire récemment le News Feed, une nouvelle interface qui va permettre à Facebook de mieux rentabiliser ses espaces de publicité en peaufinant mieux son ciblage. D'où le lien avec le paragraphe précédent. Si Facebook ne se concentre que sur les annonceurs et oublie que sa promesse de pertinence vise d’abord ses usagers, l’entreprise risque de voir sa cote de popularité chuter et le château de cartes s’effondrer.

Côté mobile, Facebook réunit des bons points. Les utilisateurs de smartphones et de tablettes passent beaucoup de temps sur Facebook. Facebook se paye même le luxe de dépasser les autres applications en termes de “temps passés”. D'après les statistiques fournies par Facebook, les utilisateurs passent 18% de leur temps “smartphone” sur Facebook. Énorme.

De l'autre côté, les utilisateurs passent beaucoup de temps à s'échanger des messages dont des SMS. Une aubaine pour les opérateurs qui se font encore de belles marges sur ces messages de 160 caractères. Néanmoins, beaucoup d'utilisateurs commencent à préférer les applications de messageries instantanées comme Kik, Whatsapp ou encore Snapchat. C'est ce qui a poussé Facebook à lancer Facebook Messenger. Sur Android, Facebook Messenger intègre les SMS. C'est également ce qui a poussé Facebook à lancer une solution de VoIP (voix).

Aujourd'hui, Facebook ne peut plus être “une” simple application dans des écosystèmes qu'il ne maîtrise pas. Facebook doit mettre en place un écosystème afin de ne plus être dépendant d'autres grosses puissances et surtout afin de réunir des partenaires autour de sa plateforme. Facebook a donc choisi de développer son interface Android : Facebook Home.

Les choix disponibles étaient plutôt restreints. Facebook pouvait développer son propre OS, néanmoins cela aurait nécessité trop de ressources et de temps. Facebook aurait pu créer son propre Facebook Phone, néanmoins ce n'est pas son métier. Facebook aurait pu continuer à développer un ensemble d'applications, néanmoins ils restaient trop dépendant de géants comme Google, Microsoft ou Apple. Facebook a donc décidé de développer un “launcher” Android. Android étant la seule plateforme permettant de remplacer intégralement une interface, sans parler de surcouche. Android est également la plateforme mobile leader avec une énorme part de marché dans le monde entier.

Facebook a donc décidé de s'attaquer directement au géant Google sur ses propres platebandes

Le problème sur mobile, c'est que la plupart des budgets d'annonceurs sont encore ridicules. Il n'existe aucune offre satisfaisante sur mobile à l'heure actuelle. Enfin, Facebook est confronté à un problème de taille. Il n'y a pas de colonne de droite pour y glisser les annonces publicitaires. Facebook a donc décidé de s'attaquer directement au géant Google sur ses propres platebandes. Sans développer un fork d'Android, comme l'a fait Amazon mais en développant une interface Android potentiellement compatible avec l'ensemble du parc de smartphones Android.

Facebook joue avec les règles de Google

Google a réagi publiquement assez bien. Le message est donc plutôt simple : Android est flexible et ouvert. Néanmoins, Google doit tout de même bien grincer des dents. Facebook joue avec les règles de Google. Facebook Home, par exemple, n'interfère pas du tout avec l'application Gmail et ses notifications ou encore moins avec le Play Store. Facebook Home s'intercale au milieu de ce beau monde. Néanmoins, Facebook réussit à remplacer une grosse partie de l'expérience utilisateur Android. En réalité, Facebook va encore plus loin avec Facebook Home. L'éditeur du célèbre réseau social inverse le rapport de forces.

Facebook  inverse le rapport de forces

Je suis assez étonné que des géants comme Samsung ou encore Orange collaborent main dans la main avec Facebook. Car Facebook Home vient également marcher sur leur platebande. En effet, Facebook Home va remplacer l'interface Samsung TouchWiz sur les appareils Galaxy, rendant moins visible par la même le Samsung Apps ou ChatOn. Même chose pour Orange qui rêve depuis des années d'imposer l'expérience “Orange” sur Android. Facebook propose tout de même Facebook Messenger permettant de se passer totalement des SMS ou des appels classiques. Néanmoins, Facebook a réussi à accumuler tant de notoriété et d'utilisateurs qu'il paraît assez risqué – sauf si on s'appelle Apple ou Google – de ne pas collaborer main dans la main avec Facebook. Avec Facebook Home, les utilisateurs qui veulent une expérience personnalisée Facebook pourront l'avoir.

Facebook Home réussit le pari suivant : ajouter de la valeur ajoutée aux fonctionnalités de base d'Android

Parce qu'il faut l'avouer, Facebook Home réussit le pari suivant : ajouter de la valeur ajoutée aux fonctionnalités de base d'Android. On retrouve en effet tout ce qui définit l'expérience Android (notifications, Google Play, multitâche, etc.). Malheureusement pour Facebook, Facebook Home reste dépendant de Google. Facebook reste dépendant des mises à jour d'Android, de la fragmentation de l'OS… L'entreprise peut essayer de contrôler une grosse partie de cette chaine en collaborant directement avec les constructeurs et opérateurs. Néanmoins, cela ne suffira pas. C'est pour cela que Facebook Home est un mal nécessaire.

Google est le modèle de Facebook

Cette ambiguïté est très intéressante. Car Google est le modèle de Facebook. C'est une société web gérée par des ingénieurs et financée par la publicité. Facebook Home est donc un véritable choc de styles. Facebook doit percevoir Google comme une opportunité, mais également un problème.

Facebook va surtout réussir à s'imposer en tant qu'outil

Je suis plutôt enthousiaste pour Facebook. Il va falloir suivre de près le taux d'adoption. Avec Facebook Home, Mark Zuckerberg va pouvoir mettre en place un écosystème complet. En travaillant étroitement avec des constructeurs et des opérateurs, Facebook va apprendre beaucoup de ces secteurs. Facebook va surtout réussir à s'imposer en tant qu'outil, et non fonctionnalité. Qui sait ? Facebook pourrait décider de sortir un fork d'Android lorsque son parc d'utilisateurs sera suffisant. Facebook Home deviendrait alors un OS. Vous suivez ?

Il est bon de méditer cette phrase du psychiatre allemand Richard Krafft-Ebing (1840-1902) : “Si c’est nécessaire, c’est un bien. Si c’est un mal, il n’est pas nécessaire”. Prenez la comme vous voulez.

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