jeudi 6 octobre 2011

Une autre vision du monde Android

La semaine dernière, je me suis rendu pour raison professionnelle en Tunisie, à Tunis plus exactement. J'ai été mandaté par l'école d'ingénieur Esprit, l'une des plus grandes écoles d'ingénieurs dans ce pays (2063 étudiants exactement) et qui connaît une croissance exponentielle.

Mes rôles de formateur, développeur et bien entendu rédacteur de FrAndroid m'ont obligé à m'informer, faire attention à toutes les informations que je pouvais prendre sur l'environnement Android en Tunisie. En effet, nous parlons très souvent sur FrAndroid des chiffres, actualités et plus généralement d'informations en provenance des États-Unis, d'Europe ou bien encore de Chine. Ce petit voyage allait me fournir une vision nouvelle du monde Android dans ce pays du Maghreb.

Dès mon arrivée à l'aéroport, et sur la route qui m'amène à mon hôtel, je tente de capter les panneaux publicitaires : énorme de la part de Samsung, du Blackberry, et plusieurs opérateurs (Tunisiana, Tunisie Telecom et Orange). Pas de mises en avant d'un quelconque petit Droid à l'horizon.

Certes le pays sort tout juste d'une révolution contre le régime de Ben Ali, des élections présidentielles sont prévues le 23 octobre (173 partis politiques / associations se proposaient aux élections, heureusement il n'en reste plus que 70 après une première sélection !). Aujourd'hui, on constate de manière assez forte les marques de cette révolution : conduire à Tunis demande beaucoup de sang froid et de disposer de 8 yeux pour éviter l'accident (sens interdits non respectés, feux rouges brûlés, 5 voies de voitures pour 3 voies au sol…), liberté des gens, à la limite de l'anarchie ! Mais tout va bien et beaucoup sont fiers de leur révolution et attendent des jours meilleurs qui passeront par le respect mutuel des personnes.

Retour sur le marché Android ! L'iPhone est très peu répandu : la raison principal étant le coût ! De ce fait, une large place est faite aux produits bas coût Android : du smartphone mais également des tablettes. On peut trouver des smartphones commercialisés à partir de 100€, idem pour les tablettes. La Tunisie n'a pas le même pouvoir d'achat que les pays Européens (exceptée la Grèce). L'opérateur Tunisiana mise énormément sur le marché Android : il a donc eu l'exclusivité de la vente des derniers produits Samsung : le Galaxy S2 et la tablette GTab 10.1. Tunisiana est également en train de lancer son propre market dédié à la distribution des applications tunisiennes. Tunisiana a pour vocation de distribuer des applications pour les tunisiens et éventuellement faites par des tunisiens, même si leur market dispose d'applications réalisées par des acteurs internationaux.

L'Android Market est disponible mais sans applications payantes ! En effet, les tunisiens ne peuvent obtenir facilement (voire pas du tout) des cartes de paiement internationales telles que le propose Visa et MasterCard. La raison de ce non accès à un moyen de paiement “standardisé” est dû à une politique économique : l'argent tunisien doit rester en Tunisie. Disposer d'une carte de paiement international n'est autorisé que pour de rares privilégiés qui seront bloqués à environ 3000 euros d'achats à l'année, tandis que c'est une chose plutôt courante dans nos contrées ! De ce fait, impossible pour eux de disposer d'un compte Google Checkout, Paypal….Donc, il leur est impossible d'acheter des applications.

Chez Esprit, l'école où je me suis rendu, j'ai discuté avec des professionnels, des enseignants et la direction de l'école. Ce problème de cartes de paiement va plus loin. De nombreux élèves ou ingénieurs sont intéressés par Android, mais il leur est impossible d'acheter les livres de manière simple. Il leur est impossible d'acheter des matériels spécifiques : smartphones, cartes de tests, tablettes….L'envie et les besoins sont là : impossible de les combler !

Conséquences de cela :

  • le piratage : chose quasi courante dans le monde de l'informatique en Tunisie. Il vous sera facile de trouver le dernier Windows pour 1 euro ! De nombreux ouvrages circulent également sur la toile
  • l'innovation est freinée : la recherche et le développement ne peuvent avancer rapidement. Un enseignant rêve depuis l'annonce à la commercialisation de la carte IOIO permettant d'embarquer Android et de la connecter à des périphériques : son rêve ne peut aboutir, son projet de recherche et celui de ses étudiants n'avance pas !
  • la croissance n'est pas : comment ce pays, qui dispose, avec Android de la possibilité de devenir possiblement un pôle de compétence “à moindre coût comparé à l'Europe”, peut tenter de croître si le gouvernement et les banques ne lui donnent pas les outils nécessaires ? …

J'ai eu l'occasion de converser avec notre confrère de Tunandroid.com, le site dédié à Android en Tunisie. On sent sa frustration comme celle des utilisateurs, développeurs et ingénieurs de la plateforme Android.

La révolution entamée en début d'année a permis de changer des choses critiques pour les Tunisiens. Ce n'est qu'un début et nous espérons, notamment avec les prochaines élections, qu'ils pourront un jour disposer d'un droit d'accès aux savoirs et matériels qui leur permettront de profiter pleinement de notre OS Open Source.

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