Cela fait quelque temps déjà qu’on entend parler d’une boutique en ligne de musique par Google, qui viendrait directement menacer l’hégémonie d’Apple et de son iTunes Music Store. Rumeur confirmée par le chef de produit Android, Gaurav Jain, au magazine israélien Calcalist (כלכליסט), qui a d’ailleurs ajouté qu’elle sortirait en même temps que la future version d’Android, dénommée Gingerbread.
Aujourd’hui, le magazine Billboard nous permet d’y voir plus clair, en nous apportant un certain nombre de détails sur la manière dont Google voit son futur store. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que si les détails publiés sont vrais et que Google arrive à faire adhérer les plus gros labels à sa vision du service, la menace pour iTunes deviendrait vraiment sérieuse.
Pour commencer la présentation, Google Music s’appuierait sur le Cloud de Google. Un service de stockage, facturé $25 par an, permettrait aux utilisateurs de stocker sur les serveurs du géant de Mountain View les fichiers musicaux achetés, de manière illimitée, et de les écouter directement à partir d’un navigateur web, ou via des applications dédiées sur certaines plateformes mobiles, en particulier Android.
Lors de l’achat d’un fichier, les utilisateurs auront la possibilité soit d’enregistrer la musique sur leur téléphone mobile afin de l’emporter avec soi sans avoir à utiliser son forfait data pour les lire, soit, vous vous en doutez, de sauvegarder la musique sur le Cloud. Sachant bien entendu qu’une musique téléchargée sur un mobile pourra plus tard être transférée sur les serveurs de Google, et vice-versa.
Là où Google prendrait un peu d’avance sur iTunes, c’est en partie sur l’écoute des morceaux. Nul besoin de préciser l’importance de cette fonctionnalité pour déclencher un achat. La société californienne souhaiterait sur ce point aller plus loin que l’écoute d’un extrait de 30 secondes, devenue un standard de facto sur les services de vente de musique en ligne, en proposant aux utilisateurs d’écouter le morceau qu’ils convoitent en entier, une fois. C’était d’ailleurs une des caractéristiques de Lala, très appréciée par ses utilisateurs, mais disparue en même temps que le service lorsque la société a été rachetée par… Apple. Les écoutes suivantes seront par contre, elles, limitées aux 30 secondes habituelles.
Une autre ambition de Google est de proposer à la lecture via son service les fichiers musicaux dont dispose déjà l’utilisateur sur son ordinateur. Tous, pourvu qu’ils ne soient pas protégés par des DRM. Une excellente nouvelle pour les utilisateurs…
…mais une bonne nouvelle qui constitue aussi un des principaux points d’interrogation. Les maisons de disques vont-elles accepter de signer avec Google pour promouvoir un service qui, d’un autre côté, accueille bras ouverts les fichiers piratés contre lesquels elles se battent sans relâche ?
Selon Billboard, il se pourrait que ce soit le cas si Google consentait à faire quelques concessions sur d’autres points, comme par exemple une lutte un peu plus active contre les contenus violant le droit d’auteur sur ses services en ligne, en particulier sur son moteur de recherches ou sur Youtube. Les différentes parties impliquées dans les négociations savent bien qu’une telle indexation des fichiers des utilisateurs est une fonction primordiale pour agréger rapidement une communauté d’utilisateurs autour du service, et donc pour engranger des recettes importantes tant pour les majors que pour Google.
Beaucoup de questions restent encore en suspens. Quid du prix final des chansons sur la boutique (même s’il est probable qu’ils soient proches voire identiques à ceux d’iTunes) ? Quid de la qualité audio dont bénéficiera l’utilisateur, souvent reprochée au service d’Apple ? Quid du partage des revenus entre Google et l’industrie musicale ? Quid enfin des concessions que chacun devra probablement faire pour parvenir à un accord satisfaisant tant pour Google, que pour les labels, que pour les utilisateurs.
Il se pourrait cependant que ce soit, pour les maisons de production, une occasion à ne pas laisser passer. On a vu au travers des différents services qu’elles ont soutenues, comme la boutique d’Amazon qui a été la première à pouvoir vendre des morceaux sans DRM, que la dominance d’Apple sur le marché les gêne. Notamment parce que cela donne mécaniquement à la firme de Cupertino un poids très important dans les négociations. Google a en effet tout ce qui manque aux concurrents d’iTunes : de gros moyens techniques et financiers, une grosse base d’utilisateurs et, pour la première fois depuis le couple iPod + iTunes, un écosystème cohérent avec son système d’exploitation mobile Android sur lequel pourra être pré-installée l’application.
Il n’est pas à oublier non plus qu’une grosse force d’Apple est actuellement d’avoir un service bien implanté dans les habitudes et les esprits de ses utilisateurs, et surtout des contrats déjà signés avec l’industrie musicale.
On peut enfin se demander si Google a dans l’idée d’étendre les contenus proposés aux films et séries, pour attaquer Apple sur tous les fronts. La société a en effet déjà envisagé des services payants pour Youtube, de l’aveu de David Eun, vice-président du contenu pour la plateforme. Il est donc logique d’imaginer que les deux projets pourraient à terme se rapprocher pour former une seule solution cohérente, et pour diversifier les sources de revenus du géant américain. C’est sans compter le service Google Books qui pourrait également proposer une alternative crédible au Book Store d’Apple, d’autant plus avec l’actuel déferlement d’annonces concernant des tablettes Android. Nous pouvons donc raisonnablement nous demander si Google prévoit de proposer tous ces services de manière séparée, ou s’ils vont unifier tout cela en se basant sur l’Android Market déjà en place, à la manière d’iTunes.
Bref, un service très prometteur sur le papier et dans l’idée. Mais beaucoup de questions en suspens lorsqu’on détaille. En tous les cas, une affaire à suivre, et probablement une belle bataille en prévision tant il est improbable qu’Apple se laisse faire sur un terrain qu’il domine sans partage depuis plusieurs années maintenant. Affaire à suivre, donc.
Via Billboard, Cnet, Wired, Techcrunch et DigitalMediaWire.
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