Quelques heures après la présentation de l’iPad par Apple, je vais tenter de m’exercer dans un exercice délicat pour un membre de la communauté Android, macophile, mais loin d’être sur la même longueur d’onde qu’Apple. Cet événement m’a même ébranlé sur ce front. Je vous explique pourquoi.
L’iPad, je ne vais pas me lancer dans l’explication qu’en a fait Apple, et non plus de ses caractéristiques. Vous pouvez lire tout ça un peu partout, et trouver tous les détails sur le site d’Apple. Malgré que je pense que l’iPad aurait du équipée d’une caméra, de multi-tâche, d’un vrai bureau, je voudrai vous montrer que cela va plus loin que de simples caractéristiques.
Steve Jobs a été ferme dès le départ que le contenu doit être payé, et en particulier le sien. Les maisons “de contenu” aiment bien sûr la façon dont Steve Jobs pense. Il voit en lui, le sauveur de l’industrie du disque, du film, du livre, du magazine et même des journaux.
Mais cela passe indéniablement par une rationalisation et une réduction des prix que toutes les grandes maisons ne veulent pas suivre (ie. Apple négocierait lourdement avec les éditeurs).
Et l’iPad, comme l’Apple TV, est un passe-temps, un succès critique mais un échec commercial annoncé, enfin un succès potentiel qui se forgera sur le long terme.
Mais Apple est loin d’être fou, ils réalisent leur produit bien plus sur les envies des consommateurs qu’on ne pourrait le penser. Exploiter les désirs des clients est un art.
Pourquoi pourrait-on parler d’un iFlop potentiel ?
L’iPad donne de l’espoir aux grandes maisons, elles pourraient encore faire de gros profits. Dans un environnement riche en médias libres, j’ai du mal à m’y faire à l’idée. Selon moi, les consommateurs vont s’orienter vers les plate-formes multimédia libre et ouverte.
Car l’iPad est un magasin, et sa conception va plus loin que l’aspect physique, cette tablette reprend bien plus que le design de l’iPhone, elle peut offrir des jeux, des films, des chansons, du livre et du magazine, et pour couronner le tout via l’iTunes Store sur le compte d’une carte de crédit, c’est ici que le modèle est révolutionnaire.
Apple peut facilement envisager une réduction de 30% du prix du contenu multimédia avec un tel système.
Mais cette bataille vidéo ludique, a déjà eu lieu, rappelez-vous pourquoi le PC s’est imposé face au Mac ? Car Bill Gates a toujours compris l’importance du jeu-vidéo, qui a joué un rôle majeur dans la raison pour laquelle Microsoft a gagné et Apple a perdu dans les années 80 et 90.
En 1995, pour 5% des acheteurs d’un ordinateur, la raison principale était de pouvoir jouer, mais dans 80% des cas, le jeu a été l’usage principale de l’ordinateur personnel. Qu’est ce que cela indique ? Si votre ordinateur ne fait pas tourner de jeux, 80% de consommateurs n’achèteront pas votre produit.
Il se passe exactement la même chose aujourd’hui avec les smartphones ou encore les tablettes, de façon plus large, les consommateurs recherchent du contenu.
Les journaux ont l’idée qu’ils peuvent être au centre de cette révolution technologique. Faux, ils sont au centre d’un modèle publicitaire qui intéresse Apple. Ce n’est pas le contenu libre et gratuit qui les tue, mais la publicité bon marché, avec Google en tête. Microsoft a essayé désespérément de concurrencer Google et a échoué misérablement. Apple est désormais aussi de la partie. Je ne sais pas où cela va mener, mais il est fort à parier que Apple a un plan d’action précis. La publicité est bien le modèle permettant de fournir du contenu gratuit, nous en sommes sûrement un petit exemple même si notre modèle n’est pas basé sur de la publicité intrusive.
Augmenter l’efficacité de la technologie a donc théoriquement pour objectif de réduire les prix, et ce n’est pas toujours évident de voir les économies évidentes avec le contenu le contenu électronique.
Deuxièment, si vous pensez encore, après cette conférence, que l’iPad est un iPhone géant. Réfléchissez-y un peu plus. L’iPad est un nouveau concept, enfin une re-conceptualisation de ce qu’est l’ordinateur personnel. La keynote d’Apple qui a lieu hier soir, était sûrement un événement qui n’avait pas eu lieu depuis longtemps, Apple a lancé un produit qui non seulement ne s’adressent à une clientèle macophiles (ceux qui regardent ces événements), mais est en réalité le type de produit que les macophiles seraient prédisposés à la fois à ne pas comprendre mais aussi à ne pas aimer.
Les modèles d’interaction actuelle que nous avons avec nos ordinateurs, dans lesquels nous avons passé autant de temps à nous former et à apprendre, sont totalement chamboulés par l’iPad. J’en suis persuadé. Je vais vous expliquer pourquoi.
Alors que pour beaucoup de monde, certaines choses comme le système de fichier, les commandes clavier sont une évidence, pour certains ces systèmes n’ont jamais été compris. Nos modèles d’interaction, avec la souris par exemple, ont 30 ans ! Apple vient donc de faire le pas d’un bouleversement technologique mais surtout d’un nouveau type d’interaction qui bouscule les héritages de nos ordinateurs actuels.
Et malgré le fait que Steve Jobs n’a pas une seule fois évoqué cela pendant sa présentation, c’est un fait et on ne peut pas dire que l’iPad est simplement un iPhone géant. C’est bien plus que cela, c’est une nouvelle vision de l’ordinateur personnel.
Comment vous faire comprendre cela ? Tenter de visualiser tous les problèmes auxquels vous êtes confrontés avec les ordinateurs personnels en 2010, et maintenant dites vous une seule chose : voulez-vous acheter un ordinateur portable classique pour 700 euros ? Regardez ce que vous pouvez faire avec 500 euros.
Ce qu’on appelle “le quatrième écran de la famille” est différent d’un ordinateur, nous n’avons pas à parler des caractéristiques de l’appareil, mais de son utilisation. Et c’est là que tout change. N’importe qui (ou presque) peut prétendre savoir ce que l’iPhone signifiait sur le plan conceptuel. Et c’est l’App Store qui a vraiment propagé ces idées.
Pour l’iPad, le travail d’Apple est énorme, et leur concept est un tueur de netbook à long terme. Aujourd’hui, un long travail va débuter pour Apple : faire comprendre aux développeurs ce que l’iPad peut faire, et ainsi créer des applications pour cela.
L’iPad ne sera pas universellement populaire, pour le moment en tout cas. Apple a fait plusieurs erreurs qui sont pour moi stratégique, je ne rentrerai pas dans les détails techniques car je ne veux pas comparer deux choses qui ne le sont pas.
Première, l’iPad a été présenté comme un accessoire par Apple, et le fait de devoir la synchroniser avec un ordinateur en fait un périphérique. Conséquence ? Au lieu de voir l’iPad comme un appareil révolutionnaire bon marché, les consommateurs vont le voir comme un gadget très cher. Pas étonnant lorsque l’on peut trouver des netbooks à 250 euros, et des tablettes à 200 euros. Apple a été dans ce sens, trop conservateur, en laissant le Mac au centre du dispositif. Ceci va réconforter les consommateurs dans l’image qu’Apple voulait bousculer. Alors qu’il est difficile d’argumenter sur le fait qu’un Macbook 13 pouces à 1000 euros est meilleur qu’un Asus 17 pouces à 700 euros, Apple aurait pu faciliter cette démarche en présentant directement un nouveau concept indépendant. La pénétration du marché va être plus longue, car l’écosystème de l’iPad est brouillé et son importance est minimisée.
La nuance pour le grand public va être terrible, d’après les premiers retours, l’iPad va se confronter à beaucoup de choses.
En tant que iPod géant, l’iPad se trouve nez-à-nez avec le MacBook et l’iPod Touch. Est-il plus intelligent de mettre 200/300 euros de plus et de se prendre un Macbook, ou 100/200 euros de moins et de se prendre un iPod Touch. Et c’est là que la présentation de l’iPad a été bâclée.
Et comme Apple n’a pas bien fait son travail, il faudra le temps aux développeurs de faire le travail nécessaire et pas des moindres : faire comprendre au public que l’iPad est une révolution dans sa conceptualisation mais surtout des ses modèles d’interaction.
Ce que vient de faire Apple, va à coup sûr, donner du travail aux concepteurs de tablettes mais surtout aux concepteurs de systèmes d’exploitation, car ce n’est pas un problème de technologie mais bien de conceptualisation.